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Mordicus
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24 juin 2011

Belfast : troisième nuit de violences entre catholiques et protestants

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Mercredi soir, une troisième nuit consécutive de violences a troublé Belfast. La question communautaire semble toujours centrale, et les heurts qui opposent catholiques et protestants sont "les pires depuis bien longtemps" selon le directeur-adjoint de la police d’Irlande du Nord cité par l’AFP.

Tout a (re)commencé dans la nuit de lundi à mardi,lorsque des hommes masqués s’en sont pris à des habitations de Short Strand, une enclave catholique dans une zone protestante de Belfast. Entre 400 et 500 personnes se sont alors affrontées. Les violences se sont poursuivies pendant la nuit de mardi, puis pendant celle de mercredi, faisant plusieurs blessés. Protestants et catholiques se renvoient la responsabilité de ces troubles, tandis que l’inquiétude des autorités grandit. 

Cette nouvelle flambée s’inscrit dans une longue suite d’affrontements qui ont agité l’Irlande du Nord depuis la fin des années 60 jusqu’aux accords de paix dits "du Vendredi saint" ou "de Belfast" de 1998, et qui ont fait environ 3500 morts. Pendant presque 30 ans, des nationalistes, majoritairement catholiques, se sont opposés aux unionistes (partisans du maintien de l’Union entre l’Irlande du Nord et la Grande-Bretagne) de confession protestante. 

Historiquement, les causes de ces affrontements sont bien entendu extrêmement complexes et multiples, mais le sentiment réel d’infériorité et de ségrégation des catholiques dans les années 60 par rapport à la majorité protestante issue des anciens colons britanniques en Irlande du Nord est un des facteurs majeurs du conflit. Les catholiques vont d’abord manifester pacifiquement, en se servant de la désobéissance civique par exemple, mais l’intransigeance des dirigeants protestants va durcir les oppositions à partir des années 70, et les liens avec la Grande-Bretagne et l’Irlande du Sud vont encore compliquer la situation. Des groupes paramilitaires vont émerger dans les deux camps, et les attentats et les assassinats vont coûter la vie à de nombreux civils dans l’un des derniers conflits qui agitent encore l’Europe occidentale. 

Depuis les accords de paix de 1998, les actes violents et le nombre de morts ont considérablement baissés, mais les tendances politiques les plus extrêmes sont encore très largement présentes au sein des institutions. Quant aux deux communautés, nationalistes-catholiques d’un côté et unionistes-protestants de l’autre, elles restent profondément marquées par leurs antagonismes qui clivent encore la société nord-irlandaise.

Elise Féron*, spécialiste du conflit en Irlande du Nord, nous explique : "le regain de tension que l’on observe ces derniers jours est à la fois lié à un contexte spécifique, celui de la saison annuelle des parades, et en même temps à des éléments plus généraux relatifs aux difficultés rencontrées par le processus de paix. D’une part, la tension est toujours très forte lors de la saison des parades orangistes, en particulier lorsque ces dernières empruntent des routes situées dans des quartiers nationalistes (catholiques). D’autre part, ces émeutes interviennent alors que les groupes paramilitaires loyalistes (protestants) semblent connaître un regain d’activité depuis quelques mois. Ce regain d’activité est lié aux frustrations accumulées depuis la signature des accords de paix de 1998, qui certes ont permis la mise en place d’institutions de partage du pouvoir, mais qui ont également révélé leurs limites quant à leur capacité à générer une véritable réconciliation au niveau local".

Quant à la question religieuse, elle est loin d’avoir disparue. Selon Elise Féron*, "la religion en Irlande du Nord sert de marqueur social et politique, dans le sens où l’appartenance religieuse préfigure l’appartenance communautaire et politique. Cette imbrication date de l’époque de la colonisation, moment où l’opposition colons - colonisés s’est cristallisée autour de l’opposition religieuse. Par ailleurs, la religion sert encore aujourd’hui, pour un certain nombre de partis, de base idéologique ; par exemple, nombre de protestants, et notamment ceux qui soutiennent le parti unioniste radical DUP, expriment leur anticatholicisme en des termes théologiques, et non pas politiques. Les Églises en Irlande du Nord jouent ainsi un rôle central non seulement au niveau de l’identité de chaque communauté, mais également en tant qu’actrices du conflit. Ceci dit, il ne semble pas que les émeutes récentes aient eu un caractère religieux". 

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