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Mordicus
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29 juillet 2006

Belfast renoue avec la paix malgré l'impasse politique

Pour le premier anniversaire du communiqué historique de l'IRA qui a rompu, le 28 juillet 2005, avec 35 ans de violence, les signes de détente sont encourageants.

«L'ABSENCE de violence n'est pas la paix, gare aux jugements hâtifs», confiait Hugo en sortant de la messe hier soir dans le fief catholique d'Ardoyne, bastion de l'Armée républicaine irlandaise (IRA) et théâtre des émeutes les plus violentes de ces dernières années dans les quartiers nord de Belfast. S'il y a un épicentre du conflit en Irlande du Nord, c'est sans aucun doute le rond-point fortifié qui marque l'intersection d'Ardoyne Road, côté catholique, et de Twaddel Avenue, côté protestant. Sur la carte des victimes du conflit, Ardoyne Road est marquée d'un point noir tous les dix mètres. Plus de 20% des quelque 3 600 victimes sont tombées dans les quartiers nord de Belfast, surnommés dans les années 1990 «les champs de la mort».

Le 12 juillet 2005, plus de 200 personnes, dont cent policiers, avaient été blessées lors de confrontations liées au passage d'un défilé protestant de l'ordre d'Orange, aux abords d'Ardoyne. Cette année, pour la première fois depuis dix ans, les marches protestantes de l'été n'ont pas dégénéré en émeutes aux abords des fiefs catholiques. Et hier, alors que le réchauffement de la planète offrait à Belfast son premier véritable été, des filles insouciantes poussaient leurs bicyclettes sous les lampadaires de Twaddel Avenue, où flotte l'Union Jack. De l'autre côté du rond-point, côté catholique, les retraités s'attardaient avec leurs chiens. On ne se parle toujours pas, mais la tension est tombée.

À 66 ans, Hugo continue d'animer le foyer des jeunes du quartier, comme il le fait depuis trente-trois ans. «La violence telle qu'on la connaissait a disparu, plus personne ne pense aux bombes ou aux balles perdues avant de traverser la rue, souligne-t-il. Mais la loi et l'ordre sont loin de régner ici, le quartier est aux mains des gangsters.»

Debbie Quigley, une mère de famille de 44 ans, confirme : «Il y a dix ans, lorsque quelqu'un volait une voiture ici, c'était l'IRA, et personne ne disait rien. La semaine dernière, des jeunes ont volé les clés chez moi, la nuit, et sont partis avec ma voiture toute neuve. Avec le processus de paix, il n'y a plus personne pour faire régner l'ordre.»

Principaux représentants de la communauté catholique, les élus du Sinn Féin, l'aile politique de l'IRA, n'ont pas encore reconnu la légitimité du nouveau service de police d'Irlande du Nord, mais, pour la première fois cette année, un dialogue s'est noué. «Les gens espèrent que les choses vont vraiment s'améliorer, mais seule la décentralisation des pouvoirs policiers à un gouvernement local, quelle que soit la couleur du ministre, peut changer les choses», explique le père Aidan Troy, curé de la paroisse de la Sainte-Croix et médiateur incontournable des disputes locales.

«Le manque de confiance est encore trop grand»

La décentralisation dépend cependant d'un hypothétique accord entre le Sinn Féin, partisan d'une Irlande unifiée, et les Démocrates unionistes (DUP) du révérend Ian Paisley, principal parti protestant et grand défenseur de la place de l'Irlande du Nord au sein du Royaume-Uni. Londres et Dublin viennent d'annoncer cette semaine que l'IRA, pour la première fois depuis 1970, n'est plus impliquée ni dans les activités paramilitaires ni dans le crime organisé. Ian Paisley, lui, n'est pas du même avis. Et sa méfiance n'est que le reflet de l'opinion de la rue. «L'heure du partage du pouvoir n'est pas encore venue, le manque de confiance est encore trop grand», estime Frank McAuley, un policier retraité qui s'occupe de la Cabine, la maison des jeunes de Twaddel Avenue. «Nous ne pouvons pas nous asseoir côte à côte avec ceux qui ont assassiné nos amis et nos collègues», dit-il.

Politiquement, les gouvernements britannique et irlandais considèrent désormais que le DUP n'a plus d'excuse pour refuser de partager le pouvoir avec les élus du Sinn Féin. Mais pour Ian Paisley, le Sinn Féin «n'est pas digne d'entrer au gouvernement et il ne le sera jamais». Tony Blair et le premier ministre irlandais, Bertie Ahern, ont donné aux responsables politiques jusqu'au 24 novembre pour se mettre d'accord, sans quoi Londres et Dublin se passeront de leurs services pour gouverner ensemble l'Irlande du Nord. La région est-elle proche d'une solution durable ? «Nous vivons toujours dans une société très divisée, constate le père Troy. La guerre est sans doute finie mais nous sommes loin d'avoir gagné la paix.»

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