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Mordicus
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8 août 2005

un article amusant... enfin presque...

QUADRILLAGE A BELFAST

Un correspondant de « l’Humanité » a passé quelques heures dans le quartier catholique de cette grande ville soumise à un état de siège permanent. Récit détaillé

9 heures. Départ de Dublin pour Belfast.

11h20. Fouille du véhicule par des militaires britanniques sur une petite route de campagne près de Newly. Les bagages sont examinés aux rayons X. Deux passagers doivent déballer leurs valises, dont une jeune catholique irlandaise, rouge de confusion et de rage, obligée d’étaler devant tout le monde le désarroi d’une valise de retour de vacances.

12h10. Arrivée à Belfast.

13h45. Falls Road. Je rencontre une patrouille dans le quartier catholique, deux policiers protestants irlandais engoncés dans leur gilet pare-balles, encadrés de sept parachutistes anglais, escortés par trois véhicules blindés armés de mitrailleuses lourdes. Alors que je prends des photos, j’aperçois à travers mon optique un des soldats qui pointe son arme sur moi. Pris de panique, je saute me réfugier derrière une camionnette en stationnement. Pour me remettre de mes émotions, deux Irlandais du quartier m’invitent à boire une tasse de thé dans le local de leur organisation pour la défense de la langue gaélique. La semaine dernière, m’expliquent-ils, Thatcher leur a coupé les subventions. La crise du Golfe doit coûter cher...

15 heures. Une cinquantaine de soldats occupent les rues, appuyés par deux hélicoptères et des engins blindés. Les habitants du quartier continuent à vaquer à leurs occupations dans une indifférence frôlant la cécité la plus complète.

Moi je vois les militaires en tenue de combat, sans insigne de grade ou de régiment, parfaitement anonymes, armés de fusils d’assaut, équipés de lunettes de visée, courir dans tous les coins, sauter dans les jardinets, surgir dans les cours, investir les portes cochères, s’accroupir aux coins des rues, en visant continuellement tout ce qui bouge.

Comme je suis le seul à m’intéresser à leurs manoeuvres, l’un d’eux s’enquiert de mon identité. Mon passeport français l’ennuie un peu, mais il veut savoir ce que je fais là. « Du tourisme », je réponds. Il me laisse partir non sans insister sur l’interdiction de prendre les soldats en photo.

18h30. De l’intérieur du bus qui me ramène sur Dublin, je prends des photos d’un poste frontière entre le Nord et le Sud. Une énorme casemate en béton, surmontée d’armes automatiques, entourée de fils barbelés, de murs bétonnés. Immédiatement après, le car est arrêté par deux paras qui montent à bord, se dirigent vers moi, me demandent de les suivre avec mon appareil.

Au poste, on me questionne pour savoir si j’ai fait des photos des installations. J’élude pendant six à sept minutes prétextant mon mauvais anglais, mais devant leur énervement et le canon d’un FA délibérément braqué sous mon nez, je concède avoir « peut-être pris une photo ». Sanction immédiate : le film m’est ainsi confisqué par les troupes de sa Gracieuse Majesté.

Il est bien sûr hors de question de parler de troupes d’occupation, d’opérations de ratissage, de manoeuvres d’intimidation, de censure militaire, d’une population outragée, humiliée, la Grande-Bretagne faisant partie du G7, de la CEE, de l’UEO, du Conseil de l’Atlantique Nord, tous ces organismes n’étant composés, comme tout le monde le sait, que d’honorables pays occidentaux, tous très attentifs au respect des droits de l’homme... ailleurs.

Article paru dans l'édition du 25 octobre 1990

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